Que ton sommeil est pur mon Aimé!
Ah! Sais-tu quel trésor de joie inexprimée,
Quel élan de jeunesse et combien de printemps,
J'accumule, et d'espoir, depuis que je t'attends?
Ta tête est sur mon sein comme une gerbe d'ombre;
Et pourtant ce qui dort sur mon coeur, c'est un monde.
Et c'est presque le ciel. Tes soupirs sont légers,
Comme le chant qui sort des flûtes des bergers.
Tes cheveux sont aussi lourds que les cheveux des saules;
Le soleil matinal qui dort sur nos épaules
Est suave et moins doux que ta nuque à mon bras.
Le jour enfant surgit des montagnes, là-bas.
Et pour ses pieds le ciel a la fraîcheur des mousses.
Mais toi, tu n'en sais rien: le sommeil aux mains douces,
Abaisse tes longs cils sur tes yeux étoilés.
L'odeur du jour nouveau se mêle à tes cheveux;
Ton jeune âge est pareil à l'aube qui s'incline
Et met ses lèvres d'or au front de la colline.
Un rayon clair taquine et prend de son réseau,
Ton visage d'enfant qui dort comme un oiseau.
Je t'aime. Autour de nous la lumière bourgeonne.
Laisse-moi te cacher: je suis jalouse, pigeonne,
Du rayon du soleil qui touche à tes bras nus.
Je voudrais t'emporter sous des ciels inconnus,
Des ciels qui brûlent l'âme à travers la prunelle,
Des ciels où saignerait une aurore éternelle:
Car le sang et l'amour ont la même couleur.
Je voudrais te cacher, ô mon Aimé en fleur,
Pour défendre à tes yeux les laideurs de ce monde,
Et pour te protéger contre la ville immonde
Avec tous ces pièges du coeur que tu ne connais pas.
L'amour est comme un soleil dans ma poitrine,
Mon coeur entier s'allume à la flamme divine.
Et je sens que mes yeux sont remplis de rayons.
Partons, quittons ces fleurs où nous nous appuyons,
Quittons ces champs dormeurs. La douceur des campagnes
M'inquiète. Hâtons-nous au devant des montagnes,
Où les sapins ont des torses virils.
J'ai honte, ô mon amour de nos coeurs puérils.
Je connais quelque part un âtre au beau rivage,
Où seul les goélands dont l'ardeur est sauvage.
Aux fentes des rochers cachent leurs oeufs féconds.
Nous irons sur des rocs comme sur des balcons,
Et la mer devant nous sera grande, très douce
Foulons au soleil d'or la tiédeur de la mousse,
Ayons vingt ans, rions de nous savoir tous deux,
Loin des bruits de la ville au pavé hasardeux
Mets ta tendresse autour de mon âme ravie.
Sans mon amour pour toi, que m'importe ma vie?
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